Œuvre authentique et signée de la main d’un grand-maître de l’art pictural. Ce sont les deux grands critères qui donnent de la valeur à un tableau. S’ajoute à cela, son originalité, le fait qu’il soit rare, sa dimension… Cependant, certaines copies sont des imitations presque parfaites des authentiques. Et il existe des faussaires tellement talentueux, qu’il est parfois difficile de distinguer le faux du vrai.
Nous allons vous parler aujourd’hui de 5 falsificateurs d’œuvre d’art qui ont vraiment fait tourner en bourrique les experts en matière de peinture de Maîtres. Ils ont aussi donné du fil à retordre à la justice, mais finalement, ils ont été interpellés.
Guy Ribes: celui qui contrefaisait sur commande
Né le 17 juillet 1948, Guy Ribes a passé une enfance qui n’était déjà pas très catholique. En effet, ses parents étaient proxénètes, et il a vu le jour dans une maison close. Quand ses parents étaient absents, ce sont les prostituées qui s’occupaient de l’enfant. Ses parents ont fini par être arrêtés, à cause de leur activité, et le futur faussaire a été élevé dans un internat.
C’est dans cet internat que Guy Ribes a fait la connaissance de la peinture, avec un prêtre jésuite, comme enseignant. Quand son père est sorti de prison, le jeune homme avait 11 ans. Il a connu de vraies périodes de misère, mais à 16 ans, il est devenu apprenti dans un atelier de soierie renommé de Lyon. En même temps, il a continué à peindre et vendait ses œuvres au marché.
Devenu adulte, il est allé vivre à Athènes. Il fréquentait les crèmes de la crème de la ville et il s’efforçait de vivre de son talent d’artiste. C’était l’année 1975. C’est aussi à ce moment-là qu’il a commencé à copier les chefs-d’œuvre des peintres célèbres. On dit qu’il a reproduit aux alentours de 1 000 dessins et tableaux, depuis les années 80 jusqu’en 2005.
En 1996, il a rencontré un marchand de tableaux qui l’a poussé à devenir un faussaire professionnel. Il ne copiait plus les toiles, mais imitait plutôt les styles des peintres, sur commande. Des Dali, des Picasso, des Renoir… il était tellement doué que certains experts ont authentifié ses créations comme des originaux des grands-maîtres de l’art pictural.
Au départ, le contrefacteur ne vendait pas directement ses tableaux, mais par le biais d’un réseau qui cherchait les moyens d’écouler les toiles. Souvent, voici comment ils procédaient : un membre du réseau se fait passer pour un héritier fauché, désirant vendre des chefs-d’œuvre pour renflouer son compte en banque. Plus tard, Guy Ribes a quand même vendu directement ses toiles et c’est ainsi qu’il a été arrêté, en 2005.
Actuellement, Guy Ribes continue à créer des toiles, mais il signe enfin de son propre nom. Toutefois, il lui arrive toujours de copier des tableaux de Maîtres sur commande, mais cette fois, en toute légalité. C’est lui, par exemple, qui était à l’origine des toiles utilisées dans le film Renoir, de Gilles Bourdos, sorti en 2012.
Han van Meegeren : celui qui copiait par vengeance

Né en 1889, Han van Meegeren est un talentueux peintre néerlandais. Sa passion pour l’art pictural s’est réveillée très tôt, étant donné qu’il a eu un talentueux professeur : le peintre Bartus Korteling. Et malgré que son père ne l’encourage pas du tout dans cette voie, mais plutôt dans l’architecture, il a abandonné ses études et s’est consacré à la peinture.
À ses débuts, il a pratiqué l’art moderne et a connu un succès relatif. Mais très vite, il s’est passionné pour les œuvres colorées de l’Âge d’or de la peinture néerlandaise. Malheureusement, ce courant artistique ne passait pas trop chez les amateurs d’art de l’époque, qui préféraient les œuvres du mouvement de l’École de La Haye. Les galeries et les musées boudaient ses toiles et les critiques d’art ont mis à mal ses créations.
Blessé par ce mépris, Han van Meegeren a décidé de se venger en copiant les chefs-d’œuvre des peintres célèbres. Il a mis 6 ans pour apprendre et maîtriser les techniques de Pieter de Hooch, de Frans Hals, de Gerard ter Borch et surtout de Johannes Vermeer. À part cela, il a appris à vieillir les toiles en utilisant des bois d’époque, en plaçant les œuvres achevées dans le four afin de faire en sorte que les peintures soient plus dures… Il allait jusqu’à les rendre un peu poussiéreux…
Han van Meegeren a commencé à vendre ses copies en 1937. Même les experts en art ont été bluffés. Ses toiles, signées du nom d’autres peintres, ont trouvé leurs places dans les musées. Les riches Néerlandais se ruaient même sur ses chefs-d’œuvre pendant la Seconde Guerre mondiale, pensant, en faisant cela, empêcher que les œuvres d’art de leur pays tombent entre les mains des nazis.
Malheureusement, une des copies faites par Han van Meegeren a chu chez Hermann Göring, un criminel de guerre allemand. On a découvert, après la guerre, que c’est le faussaire qui a vendu ce « Vermeer » à l’ennemi. Sachant qu’il pourrait écoper de la peine capitale avec un tel crime, Han van Meegeren a préféré avouer que c’était une copie. Pour le prouver, il a dû contrefaire un tableau de Maître, dans sa cellule, devant témoins.
Suite à cela, Han van Meegeren n’a été condamné qu’à un an de prison, sauf qu’il n’a jamais accompli sa peine. En effet, il a été victime d’une crise cardiaque, le 26 novembre 1947, le dernier jour pour faire appel de la décision de justice. Il en est décédé, un mois et quelques jours plus tard, le 30 décembre 1947.
David Stein : celui qui a gagné le cœur du procureur de district

David Stein est un des nombreux pseudonymes utilisés par le faussaire français, Henri Abel Abraham Haddad. Ce talentueux peintre, qui a utilisé son don au service de la contrefaçon, est né à Colombes, France, le 27 janvier 1935. Il a utilisé au moins 14 pseudonymes au cours de son périple. On a découvert ses supercheries dès 1966, mais il a continué ses activités de faussaire jusqu’au début des années « 90.
En cette année 1966, le peintre russe Marc Chagall est venu installer deux de ses tableaux pour le Metropolitan Opera, à New York. C’est ainsi qu’il a découvert des toiles signées de son nom, mais qu’il n’a jamais exécutées. Après que la supercherie fut démasquée, le faussaire a disparu. David Stein a été capturé par le procureur de district, Joseph Stone, après une année de cavale. Il fut condamné par un grand jury à 4 ans de prison, le 18 janvier 1968.
Pendant qu’il purgeait ses peines aux États-Unis, Stein et Stone se sont liés d’amitié. En effet, le procureur de district convie souvent le faussaire dans son bureau, pour que ce dernier lui démontre son talent en matière de contrefaçon. David Stein a fini par être expulsé en France et a continué à purger ses peines à Fresnes. Puis, en 1972, Joseph Stone a facilité le retour du faussaire à New York.
Une fois encore, en 1987, David Stein fut expulsé des États-Unis, à cause d’un problème avec l’immigration. Il a, donc, décidé de partir pour le Canada, où il fut engagé par le réalisateur, Alan Rudolph, pour jouer le rôle d’un critique d’art, dans le film The Moderns. Mais à peine une année après, il a déjà quitté le pays pour échapper à des personnes à qui il devait de l’argent.
En 1989, il a fait exposer au Museum of Modern Art à New York, de faux Superman signés du peintre Andy Warhol. Ces copies ont été détectées par deux experts en bandes dessinées venus voir cette exposition hommage au feu Andy Warhol. En 1992, David Stein a encore réussi à vendre 4 faux Superman à un marchand d’art italien. Ce dernier a réclamé des certificats d’authentification, mais ne les a jamais reçus. À la suite de tous ces scandales, le contrefacteur, ayant toujours des problèmes d’argent, s’enfuyait à travers la France.
Il s’est éteint à Bordeaux en 1999, après avoir lutté contre un cancer de l’estomac.
Wolfgang Beltracchi et son épouse : ceux qu’on appelle les “Bonnie and Clyde de l’art”

Né le 4 février 1951, Wolfgang Fischer, devenu plus tard, Wolfgang Beltracchi, est un faussaire allemand, l’un des plus célèbres du monde. Il a vu le jour dans une famille de peintre, car son père était un peintre en bâtiment et un muraliste. Il exécutait aussi des copies bon marché de peintres célèbres. Wolfgang Beltracchi n’a pas seulement hérité les talents de son père, il l’a dépassé largement. C’est ainsi qu’à 14 ans, il a pu copier parfaitement un Picasso, en seulement, un jour !
Wolfgang Beltracchi n’était pas vraiment un très bon élève. Il a fini par abandonner l’école à 17 ans et a décidé d’intégrer l’académie d’art à Aix-la-Chapelle. Malheureusement, son niveau était bien plus en dessus de ce qu’il y apprenait, au point où un professeur a douté d’un de ses devoirs, qu’il jugeait “trop bon”. Le futur faussaire a, alors, quitté l’école et devient hippie.
Vers la fin des années ’70 et le début des années ’80, Wolfgang Beltracchi vendait et achetait des toiles chez les antiquaires. Il a également connu un bref succès, notamment lorsqu’il a participé à une grande exposition d’art à Munich en 1978. Puis, il y a eu le déclic qui l’a fait basculer du côté obscur : il a obtenu une somme assez conséquente pour la vente de deux tableaux d’un peintre néerlandais du XVIIIe siècle. Cette toile représentait un paysage d’hiver avec des patineurs à glace. D’ailleurs, il a remarqué que les œuvres néerlandaises, contenant des patineurs, se vendent très bien.
C’est comme cela qu’il a commencé à falsifier les peintures, en y dessinant des patineurs. Et il arrivait à les vendre 5 fois plus que leur valeur habituelle. Il a également peint des patineurs qu’il sertissait de vieux cadres en bois, afin de les faire passer pour des œuvres authentiques de grands peintres.
En 1981, Wolfgang Beltracchi a tenté de revenir sur le droit chemin, en créant une galerie d’art avec un associé, mais il n’était pas fait pour s’asseoir toute la journée derrière un bureau, d’autant plus que son associé l’a accusé d’avoir volé des toiles. Il a, donc, abandonné le projet pour revenir à la contrefaçon. Cette fois-ci, il s’est concentré sur les peintres allemands et français du début du XXe siècle. La raison ? Il peut se procurer plus facilement les pigments et les cadres utilisés par les peintres de cette époque.
Son préféré, c’est le peintre allemand Johannes Molzahn. Il est devenu spécialiste des copies des œuvres de ce dernier, qu’il a même pu vendre une toile à la veuve du grand peintre. Le grand revirement dans la vie du faussaire s’est produit en 1992, quand il a fait la rencontre de l’antiquaire, Helene Beltracchi, 34 ans à l’époque. Même si elle a découvert très vite les activités louches de Wolfgang, elle a quand même accepté de l’épouser et de devenir sa complice.
D’ailleurs, leur premier coup s’est passé très bien, au-delà de leurs espérances, car la première personne à qui ils ont vendu une copie, un Valmier, n’était pas très exigeante. Toutefois, ils ont dû perfectionner leur leurre, pour ne pas se faire attraper. Ainsi, ils ont inventé une histoire, comme quoi, Hélène avait hérité d’une grande quantité d’œuvres d’art de son grand-père paternel. Et le grand mensonge les a bien servis pendant des années !
Au dos des tableaux, ils collaient aussi de fausses étiquettes, vieillies, en apparence, à l’aide de gouttes de café ou de thé. Ce qui donnait plus de crédibilité à leur histoire d’héritage, mais cela a également mis la puce à l’oreille de certains collectionneurs. En 1995, en réalisant un faux Molzahn, le contrefacteur a eu la maladresse d’utiliser un pigment qui n’existait pas encore en 1920, date de l’exécution de la vraie toile. Dans l’enquête menée par la police, deux autres faux Molzahn ont été découverts. Cependant, on ne savait pas comment les Beltracchi ont pu échapper à la justice.
Ils ont déménagé en Languedoc-Roussillon et Wolfgang Beltracchi continuait de copier les Maîtres de l’art pictural, tandis que sa femme, Hélène, s’occupait de négocier avec les clients. Ils avaient bien vécu, car leur supercherie rapportait beaucoup. Mais toute chose a une fin. En 2006, un collectionneur qui a acquis un faux Campendonk exigeait un certificat d’authenticité.
L’expertise, que le couple d’escrocs a pu repousser plusieurs fois, a révélé que la toile contenait un pigment qui n’existait pas encore en 1914, année d’exécution du vrai tableau. L’enquête se poursuivait et la police a découvert de plus en plus de faux tableaux. Elle a également pu prouver que l’histoire d’héritage d’Hélène n’était qu’un tissu de mensonges. En 2010, ceux que les médias ont surnommés les « Bonnie and Clyde de l’art » ont écopé de 6 années de prison ferme, pour Wolfgang, et de 4 années, pour son épouse.
Cependant, leur histoire continue de fasciner. Il faut dire aussi qu’ils savent très bien exploiter leur notoriété. En effet, depuis la libération de Wolfgang Beltracchi, ils se mettent toujours sur le devant de la scène. C’est par exemple ainsi qu’ils ont publié un livre contenant des lettres d’amour qu’ils se sont échangés quand ils étaient en prison. L’ex-faussaire continue, en outre, d’exécuter des tableaux, mais cette fois-ci, signé de son propre nom.
Yves Chaudron : celui qui faisait des copies de La Joconde

Ce dernier faussaire a construit sa renommée en copiant le tableau le plus célèbre du monde : La Joconde. Cependant, on ne connaît presque rien de lui. En tout cas, quand la toile la plus réputée de Léonard de Vinci a disparu en 1911, Yves Chaudron en a fait son gagne-pain. Vous vous demandez comment ? Eh bien, en peignant des faux La Joconde !
De nombreuses personnes ont été impliquées dans ce vol historique, entre autres, le poète Guillaume Apollinaire et le peintre cubiste, Pablo Picasso. Mais la police a eu beaucoup de mal à découvrir le vrai coupable. Tout Paris pleurait Monna Lisa, qui a brusquement disparu du mur du Musée du Louvre, et beaucoup ont désiré avoir la toile en sa possession.
Eduardo de Valfierno, un escroc argentin, a alors saisi cette opportunité pour s’enrichir. Il a engagé un talentueux peintre pour exécuter des faux La Joconde. Il s’agit d’Yves Chaudron. Ces copies très bien réalisées ont été vendues sur le marché américain. Les acquéreurs étaient ravis, croyant, chacun, s’être procurer l’original.
Malheureusement pour eux, mais heureusement pour l’art, le tableau original a été retrouvé, 3 ans après sa disparition, c’est-à-dire en 1914. Le voleur n’était autre que Vincenzo Peruggia, un immigré italien qui travaillait, à ce moment-là, comme vitrier au Louvre. De peur d’être attrapé, il a caché le précieux tableau sous son lit, à Paris, pendant 2 ans. Quand il était revenu dans son pays natal en 1913, il a essayé de vendre la toile à Alfredo Geri, un antiquaire florentin. C’est ce dernier qui l’a dénoncé.
Depuis, Monna Lisa a repris sa place au Louvre. La toile représentant la dame la plus célèbre au monde est toujours copiée, mais jamais égalée !