La BD malgache : un genre littéraire qui a façonné toute une génération

Le 9ème art dans la Grande-Île a connu son apogée dans les années ’80. Ce genre littéraire n’a jamais vraiment eu sa place en Afrique, mais Madagascar a connu cette époque où la BD était très prisée et a eu le vent en poupe. Madagascar est également considéré comme le premier pays africain à avoir été représenté au Salon international de la bande dessinée d’Angoulême. Retraçons l’histoire du 9ème art malgache, de son apparition jusqu’à nos jours.

Naissance de la bande dessinée malgache

Certains historiens disent que l’ancêtre de la bande dessinée malgache est l’aloalo. C’est un boisprécieux sculpté de dessins qui racontent les grands moments marquants de la vie d’une personne défunte. L’aloalo fait partie des monuments funéraires, dans le Sud de Madagascar.

Mais la première vraie bande dessinée malgache sur papier a vu le jour en 1961. Scénarisée par le célèbre prêtre écrivain Antoine de Padoue Rahajarizafy et dessinée par Ramamonjisoa Jean. Cette œuvre raconte la vie d’Andrianampoinimerina, le roi qui a unifié la Grande-Île. Elle s’intitule « Ny Ombalahibemaso », l’autre appellation du grand roi. 

La prochaine bande dessinée n’est apparue qu’en 1970. S’intitulant « Beandriaka Tatsambo ». C’est une adaptation de « Beandriaka le marin », une ancienne légende de Madagascar racontée en français par Michel Faure. Le format choisi est celui des comics américains. L’album était, donc, en noir et blanc.

Cette même année, le journal Madagascar Matin a décidé d’inclure des BD dans ses pages. La première à avoir été publié dans le journal a été une histoire inspirée par l’histoire de Luky Luke. Ecrite par Raminondrina, elle s’intitule « Fongory ny ratsy ! ». S’ensuivent, au fil des années, d’autres œuvres écrites par d’autres auteurs, telles « Doda », de Richard Rabesandratana, alias NRI ; « Besorongola », de XHY et M’AA, publiée ensuite dans Charlie Hebdo, en 1977 ;  « Faribolan’ Avelo », de Christian Razafindrakoto…

Les années ‘80, années fastes de la BD malgache

Madagascar a connu une période unique en son genre en Afrique ! Le premier magazine de bande dessinée malgache, a vu le jour en 1981 sous le nom de « Fararano – Gazety ». Il a été initié par l’Office du livre malgache, dirigé par Rakotomalala et raconte l’origine du peuple malgache. Plusieurs autres magazines ont suivi le mouvement, entre autres : le journal humoristique bilingue des frères Anselme et Aimé Razafy, simplement nommé : « Sarigasy », et qui a été interdit par la censure ; le fameux « Eh ! », qui a déclenché la naissance de la plupart des comics malgaches : « Radanza » , « Kobra », « Tsimaniva », « Benandro », « Avotra »,  « Bobel »… 

Cette époque a réellement révélé le talent des jeunes dessinateurs malgaches, même si leur organisation s’apparentait un peu à de l’amateurisme. Toutefois, le début de ces jeunes bédéistes dans les comics les a propulsés dans le métier de dessinateur professionnel. Nous retiendrons, entre autres, les noms de Rakotoniaina Arthur, Rakotosolofo Gilbert, Ndrematoa, ou encore, Jean de Dieu Rakotosolofo.

Mais c’est surtout l’apparition de l’édition Tsileondrika qui a porté la bande dessinée malgache à son apogée. L’univers de la BD entrait dans une configuration plus professionnelle, avec des contrats de travail et des salaires. Le matériel d’impression s’est également modernisé, ainsi, la maison d’édition arrivait à publier dix œuvres par mois, dont « Koditra », la référence malgache en matière de BD thriller.

C’était, en outre, l’époque de la création des associations de bédéistes, dont, les principaux sont l’A.MI ou Artista Miray (les artistes associés) qui publie des albums pédagogiques, l’ABEDEMA (ou Association des bédéistes malgaches) qui a créé « Sarigasy » et surtout « Soimanga », qui est devenu un atelier de formation, de recherche et de production en matière de BD. Alban Ramiandrisoa Ratsivalaka, son créateur, a publié des œuvres importantes pour la culture malgache, dont, notamment, « Vato ambany riana », qui raconte l’histoire de la Grande-île et est sortie en 1987.

La bande dessinée malgache, après son âge d’or

Puis, est venue l’année 1991. Une crise politique a éclaté et a eu des conséquences graves sur le plan social et économique. Les consommateurs de BD ont fortement diminué, en tout cas, ceux qui en achètent, car un nouveau mode de consommation de bande dessinée a vu le jour : la location. Si les locateurs et les lecteurs s’en sortaient à bon compte, ce mode de fonctionnement nuisait aux auteurs et aux éditeurs. 

Le déclin du 9ème art malgache était indéniable. Seuls les albums soutenus par les ONG ou les partenaires étrangers sortent de temps à autres, comme, « Les jeux sont faits », à l’occasion des jeux de la Francophonie ; « Liza », pour lutter contre le SIDA, ou encore « Zavavindrano » et « Aratra », pour la collection « Riandrano », le bulletin de liaison de la société d’électricité et d’eau, la JIRAMA. 

Les bandes dessinées à vocation religieuse aussi sont restées dans le panorama, avec, principalement, celles des éditions Filles de Saint Paul. Elles racontent des histoires tirées de la bible ou des biographies de Saint. 

Actuellement, les dessinateurs et illustrateurs malgaches essaient tant bien que mal de regagner le cœur des lecteurs. En 2000, l’association MADA BD sort deux albums collectifs, « Sary gasy » et « Ny lasa no miantoka ny ho avy », avec l’appui du Centre culturel Albert Camus, puis « Dahalo » en 2004. En 2005, le Centre culturel français initie le mois de la Bande dessinée malgache ou Gasy Bulles. C’était également l’occasion de faire connaître de nouveaux bédéistes comme Dwa, Rado ou Ramafa. 

Toujours en 2000, quelques journaux spécialisés dans la BD ont essayé de percer, à savoir : « R’ehvy », « Gazety Soimanga », « Saringotra », « Manala Azy »… Mais seul le journal « Ngah » subsiste encore. Ils ont édité, d’une manière générale, sous le format italien. En effet, le coût des bandes dessinées cartonnées qui sont généralement éditées à l’étranger, constitue un grand frein, pour les consommateurs. 

Exposition de la BD malgache à Paris

En souvenir de l’âge d’or de la bande dessinée malgache, une exposition aura lieu à Paris, du 4 au 6 décembre 2020, à l’occasion du Salon parisien de la bande dessinée ou SoBD. « L’aventure des Fumetti malgache » sera une occasion de se remémorer que Madagascar a vu évoluer des auteurs de bande dessinée talentueux, qui ont bercé l’enfance et la jeunesse de toute une génération. 

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